mière ; c’est lui, ce neveu perfide qui lui amena la beauté
merveilleuse que, dans son adoration, le généreux roi a
respectée comme l’eût fait un père ; c’est lui encore qui,
après avoir rendu, par la possession de ce trésor, son cœur
plus sensible à la douleur, vient lui faire cette cuisante
blessure, et verse en son âme le cruel poison du doute
envers ce qu’il aimait le plus au monde. Pourquoi l’avoir
précipité dans cet enfer dont rien ne pourra l’arracher
désormais ? Tristan, qui a écouté les reproches du noble
prince avec une tristesse croissante, lève sur lui un
regard plein de pitié ; son secret, il ne peut le dire ; nul ne
le saura jamais. Se tournant ensuite vers Iseult, qui le
contemple avec des yeux suppliants, il lui annonce son
départ pour la sombre contrée où sa mère autrefois
l’enfanta dans la douleur et la mort. C’est là qu’il offre un
asile à la bien-aimée, si elle veut le suivre dans sa triste
retraite. Iseult lui répond que rien ne l’empêchera de
s’attacher à ses pas, il n’a qu’à lui montrer la route ; son
amant la baise doucement au front ; mais alors Mélot,
bondissant de rage, tire son épée et provoque Tristan, qui se
met vivement en garde. Leurs armes se croisent, et
Tristan s’affaisse, blessé par son adversaire. Il tombe dans
les bras de Kurwenal, tandis quTseult, éplorée, se
précipite sur son sein.
Scène i. — La scène représente les jardins incultes et désolés du vieux manoir de Tristan, Karéol, situé en Bretagne, sur une hauteur au bord de la mer. Au loin, on aperçoit la ligne d’horizon par-dessus les murs à moitié en ruine et envahis par la végétation. Au fond, une porte de château féodal avec des meurtrières. Au milieu de la scène, à l’ombre d’un grand tilleul, la litière sur laquelle repose Tristan.