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manente, cette division du drame musical par scènes n’est point du tout une innovation de Wagner. Il n’a fait qu’en amplifier la forme et lui donner, pour ainsi dire, force de loi après la déviation dramatique qui a pris naissance au commencement de notre siècle.

Presque tous les musiciens des XVIIe et XVIIIe siècles, et surtout les Français, ont toujours divisé leurs œuvres dramatiques par scènes, suivant en cela les usages de la tragédie en vers.

Dans la plupart de ces scènes étaient intercalés, il est vrai, des airs à une, deux ou trois voix, voire des airs purement instrumentaux ; mais il existe dans les œuvres musicales de cette époque beaucoup de scènes où la marche de l’action est traitée sans qu’aucun air proprement dit (l’air n’étant alors qu’une réflexion sur la situation) y figure.

Pour ne citer qu’un exemple dans l’une des plus belles tragédies lyriques du XVIIIe siècle, et des plus connues, prenons le deuxième acte de Dardanus de Rameau. Nous trouvons :


Scène première. — Un prélude orchestral s’enchaînant à un récit très mélodique d’Isménor qui n’est, à proprement parler, ni un air, ni ce que les anciens appelaient le récitatif accompagné.

Sans interrompre, suit la

Scène ii. — Dialogue entre Isménor et Dardanus ; ce dialogue contient un passage de vingt-quatre mesures intitulé air parce que la phrase musicale s’y expose d’une façon régulière, mais qui n’a rien de commun avec le type air usité plus tard ; puis le dialogue continue et s’enchaîne à un second air de huit mesures seulement, qui n’est, à vrai dire, qu’une suite du dialogue, et ne peut pas plus passer pour un air tel que nous l’avons entendu depuis, que la phrase mélodique de Gurnemanz sur « le charme du Vendredi Saint » ne peut porter cette dénomination