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eût été obligé de suspendre son travail à l’improviste, et, en effet, la ligne restée inachevée, la plume tombée à terre, et l’écritoire renversée qui avait taché quelques-unes des pages du manuscrit, témoignaient que la veillée de l’astrologue avait été violemment interrompue.

Diane, ne se souciant pas d’être surprise en flagrant délit de curiosité, s’empara du manuscrit, referma la porte, et cacha soigneusement le livre et la clef dans la chambre violette. Le soir même, dès qu’elle fut seule, elle se mit à lire le manuscrit. Il était écrit en français, assez lisible, et lorsque minuit sonna, Diane était encore occupée à déchiffrer les pages jaunies de ce traité de nécromancie.

Le lendemain, un courrier apporta des nouvelles inquiétantes : la campagne traînait en longueur, le général Montecuculli harcelait les troupes françaises en évitant de livrer bataille, et, bientôt après, la mort de Turenne vint jeter le découragement dans l’armée. Puis les courriers n’arrivaient plus, et l’inquiétude des châtelaines devint telle, que la comtesse Marguerite elle-même regretta d’avoir quitté Saint-Germain, où du moins elle aurait eu de fréquentes nouvelles de la guerre. Elle avait appris la mort de plusieurs gentilshommes amis ou alliés de sa famille, et tremblait qu’on ne vînt lui annoncer celle de son mari.

Diane partageait toutes les angoisses de sa belle-sœur, et de plus n’avait pas comme elle pour les surmonter la ressource de la prière et de la confiance en Dieu. Diane n’était chrétienne que de nom, et enviait souvent la patience et la résignation de Marguerite.

« Oh ! disait-elle, quel supplice de ne pas connaître l’avenir ! Cette incertitude nous tue.

– Hélas ! petite sœur, disait Marguerite, c’est, au contraire, une grande bonté de Dieu de nous l’avoir caché. L’espérance dédommage de l’incertitude, et c’est bien assez de souffrir quand l’heure du sacrifice est venue, sans la connaître d’avance. »

La comtesse passait des journées et des nuits presque entières à la chapelle, et ses petits-enfants seuls pouvaient la faire sourire.

Quant, à Diane, inquiète, agitée, elle montait vingt fois