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laine campagnarde, et je vous assure qu’il me sera plus agréable de prier pour vous avec nos bons paysans de Touraine que de me parer et d’aller, l’inquiétude et la mort dans l’âme, assister à la comédie et au jeu de la reine.

– Le roi sera contrarié de votre absence, Madame ; vous savez qu’il n’aime pas que l’on quitte la cour, surtout quand le départ d’une partie de la noblesse la rend moins brillante.

– Si mon départ déplaît au roi, dit la comtesse, je suis assurée que la reine m’approuvera, et fera au besoin ma paix avec Sa Majesté.

– Ma mère ne quittait jamais la cour, dit le comte.

– Mme de Boisbriand, étant dame d’honneur de la reine, ne le pouvait pas, Monsieur ; mais moi, grâce à Dieu, je suis libre.

– Diane s’ennuiera, dit le comte, et ne pourra se consoler d’avoir quitté la cour.

– Henri, dit Mme de Boisbriand, pardonnez-moi si je vous dis toute ma pensée ; je ne voudrais pas prononcer un mot qui pût vous offenser, mais je suis responsable de Diane depuis la mort de sa mère : sa beauté, son amour des plaisirs, l’attention qu’elle attire, les succès qu’elle obtient, la faveur du roi, en un mot, m’effrayent. Je vous prie de ne pas interpréter mes paroles comme un blâme pour elle. Je l’aime autant que si elle était ma fille ; mais, si j’étais la mère de Mlle de Boisbriand, j’aurais déjà quitté la cour pour l’amour d’elle. »

La voix de Marguerite tremblait en parlant ainsi, et une vive rougeur colorait son beau visage. Le comte l’avait écoutée en silence. Il réfléchit un instant :

« Je vous comprends, dit-il, vous avez raison et je vous remercie. »

Il baisa avec une respectueuse tendresse la main de sa femme, et le soir même la comtesse commença ses préparatifs de départ afin de quitter Versailles quelques heures après son mari.

Diane de Boisbriand était née au château de Saint-Germain, et sa beauté, son esprit et sa gentillesse l’avaient