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XII

GUILLAUME AU VAL


Arrivé à l’extrémité du domaine, à l’endroit où la petite rivière qui l’arrose traverse le chemin de la Luthumière, Guillaume mit pied à terre, attacha son cheval à un arbre, et, entrouvrant la barrière, entra dans le pré. Que de fois il était venu là, enfant, cueillir des noisettes et des fleurs ! Que de fois il y avait vu la jeune châtelaine de Brix se promener avec ses suivantes et sa sœur de lait ! Ils revenaient ensemble à la ferme, et Colette leur offrait la meilleure crème, les plus beaux fruits du Val, et jetait au foyer des branches de sapin, afin qu’une flamme brillante d’étincelles illuminât joyeusement sa demeure. Le pré de la rivière était encore verdoyant et paré de fleurs ; quelques génisses y paissaient, mais il n’y avait personne. Le soleil déclinait, et, laissant le fond du Val dans l’ombre, dorait la tête du grand hêtre dont les rejetons abritent encore le pré du moulin. Au pied de ce bel arbre, deux personnes étaient assises ; Guillaume les reconnut de loin : c’étaient Luce et Marie. Marie filait sa quenouille, Luce était toute vêtue de noir ; ses beaux cheveux entouraient sa tête d’une double couronne à demi cachée par son voile. Elle tressait une guirlande de marguerites, et mie leva pas les yeux au bruit des pas du jeune chevalier. Marie l’entendit, se leva toute droite, pâlit et fit signe à Guillaume de se taire. Puis elle lui montra Luce, joignit les mains et lui indiqua le ciel. – Guillaume s’arrêta, n’osant avancer davantage. Marie courut à lui.

« Ah ! Messire, s’écria-t-elle, vous voilà ! je le disais bien. Cet infernal brigand mentait. Vous êtes vivant ! votre pré-