Page:Lavergne - Fleurs de France, 1924.djvu/80

Cette page n’a pas encore été corrigée

Avertie par les acclamations de ses domestiques, Mme du Hommet venait au-devant de lui. Il la vit sur le seuil de la grande salle, pâle, vieillie de dix ans et en grand deuil de veuve.

« Ô ma mère ! s’écria-t-il en se jetant dans ses bras, vous saviez donc ?

– Oui, mon fils, dit-elle, la cloche du donjon a sonné d’elle-même. Cela n’arrive que lorsque le chef de la famille du Hommet meurt. Elle a sonné le glas à onze heures du soir, la veille de la Pentecôte.

– C’est à cette heure que mon père est mort, dit Guillaume ; ses dernières paroles ont été pour vous, ma mère. « Honore et respecte ta bonne mère, Guillaume, m’a-t-il dit, et rends-lui un peu du bonheur qu’elle m’a donné. Remets-lui cet anneau qu’elle m’avait donné le jour de notre mariage. Jamais je n’ai manqué à la foi que je lui avais promise. J’espère la revoir au ciel ; ses prières y hâteront mon entrée. »

Mme du Hommet baisa l’anneau nuptial et le mit en silence à son doigt. Elle se recueillit un instant, puis, raffermissant sa voix :

« Que la très sainte volonté de Dieu s’accomplisse ! dit-elle. Il m’a ôté mon bon et cher mari ; je n’ai plus qu’à prier Dieu, mon fils. Vous êtes maintenant maître et seigneur ici. Je vous remets les clefs en signe de votre souverain domaine sur tous les biens de la famille. »

Et, selon l’usage d’alors, la noble veuve, détachant de sa ceinture les clefs armoriées, symbole de son autorité, les remit humblement à son fils.

« Gardez-les, ma chère mère, dit Guillaume en lui baisant la main, gardez-les au moins jusqu’au jour où je vous amènerai pour fille ma chère fiancée, ma belle Luce. L’avez-vous vue depuis peu ?

– Oui, mon fils, dit tristement Mme du Hommet. Je l’ai vue hier. Avez-vous rapporté le corps de votre père, Guillaume ?

– Il est à Barfleur, sous la garde des bons pères de l’abbaye, dit Guillaume. J’irai le chercher demain, ma mère. Pardonnez-moi ; mais, je vous en prie, parlez-moi de Mlle de Brix.