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Il le bénit, et, le laissant seul dans l’obscurité, emporta sa petite lampe, et passa dans une autre partie de la tente, où il pria toute la nuit, ayant donné au pèlerin l’unique couchette qu’il eût. Pierre ne tarda pas à s’endormir, accablé de fatigue, mais heureux de penser qu’il aurait en Thomas de Biville le meilleur introducteur auprès de la reine Blanche.

Dès l’aube, les trompettes du camp le réveillèrent. C’était un dimanche, et on ne devait pas donner d’assaut ce jour-là. Tous les hommes d’armes se préparaient à assister à la messe ; ils mettaient leurs cuirasses fourbies de la veille et leurs casques étincelants. Le temps était fort beau, et un autel avait été dressé dans une clairière de la forêt de Bellesme, près d’un grand rocher qui le mettait à l’abri des traits des assiégés. Une large tenture fleurdelisée, suspendue aux branches d’un chêne, abritait un autel portatif, lequel, suivant l’usage du temps, n’était orné que d’un crucifix et de deux flambeaux. Derrière l’autel et sur les côtés, une riche tapisserie à dessins losangés, encadrant les tours de Castille, les lions de Léon et les lis de France, était soutenue par des lances dorées, et sous les pieds du prêtre s’étendait un tapis brodé par la reine et semé de fleurs variées. Des coussins de velours bleu d’azur marquaient la place où devaient s’agenouiller la reine et le jeune roi. Pierre eut tout le loisir de voir ces préparatifs, car Thomas de Biville, l’ayant interrogé dès la pointe du jour, et sachant ce qui l’amenait à Bellesme, voulut qu’il lui servît la messe.

« Notre bonne reine, dit-il, vous recevra d’autant mieux qu’elle vous aura vu remplir cette fonction. Elle sait que j’aime les bons clercs. »

Il lui donna des vêtements convenables, et lui dit d’aller prier devant l’autel :

« Je vais me rendre à l’oratoire de la reine, ajouta Thomas Hélie, et dès que j’aurai confessé le jeune roi, dans une demi-heure, vous reviendrez me chercher ici. »

Bientôt le comte Thibaut de Champagne, les principaux chefs de l’armée royale et la foule des chevaliers vinrent se placer devant l’autel, et les hommes d’armes