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tout ce qu’il voulait soustraire à l’avidité des ennemis, et le baron de Brix, qui seul connaissait cette oubliette, aussitôt après la première apparition d’Hugo devant son château, avait jeté dans la cachette, soigneusement enveloppés, ses titres, ses joyaux et son argent. – Hugo, furieux d’être déçu, descendit dans les caves. Il y trouva d’amples provisions de cidre, de vin, d’hydromel et de cervoise, en fit distribuer à ses gens, but avec eux, et la nuit s’acheva dans l’orgie. Dès le matin, après avoir dormi une couple d’heures, Hugo se remit à boire, et, l’ivresse redoublant sa méchanceté, il s’arma d’une masse d’armes et parcourut les appartements en brisant tout sur son passage. Ses gens suivirent son exemple, et bientôt des débris de toutes sortes jonchèrent les salles. Gilles le Roux était de toute la bande celui qui avait conservé le plus de sang-froid.

« Messire, dit-il à Hugo, que faut-il faire des paysans ? J’ai là mon vieux père ; c’est un bon homme, et, pour prix de mes services, je demande qu’on lui rende la liberté.

– C’est juste, dit Hugo ; mais il faut qu’il travaille : que chacun des prisonniers abatte un créneau et qu’il s’en aille après. »

Gilles et deux de ses compagnons allèrent ouvrir la porte de la salle basse où étaient les vassaux. Ces malheureux, à demi morts de frayeur, se hâtèrent d’obéir, et, munis de leviers et de pics, travaillèrent à démanteler le château.. Ils étaient environ une centaine, et les brigands une fois moins nombreux, mais armés, les forcèrent à travailler jusqu’au soir, sans leur donner aucune autre nourriture qu’un peu de pain et d’eau ; mais, comme eux-mêmes ne cessaient de boire, ils furent bientôt hors d’état de surveiller leurs victimes, et presque toutes s’échappèrent, soit en traversant le fossé à la nage, soit en formant un gué avec les pierres tombées du haut des murailles. Gilles le Roux, voyant son père hors d’état de se sauver de cette manière, prit sur lui de faire baisser le pont.

« Partez, mon père, lui dit-il, partez vite, avant que ce damné Hugo vienne par ici.

– Gilles, lui dit son père, viens avec moi. Tu peux encore quitter la route de l’enfer, te repentir... je te pardonnerai.