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l’engagea à venir se réfugier à la Luthumière. Luce ne parut pas reconnaître Mme du Hommet, mais elle n’opposa aucune résistance et se laissa emmener au château du connétable. Alain, dès qu’il vit sa jeune maîtresse en sûreté dans cette place forte, et bien soignée par Mme du Hommet et Marie, reprit le chemin de Brix, mais non sans passer au Val. Il trouva Colette en pleurs et toute seule, inquiète de sa fille et de Mlle de Brix, mais n’osait quitter la maison. Alain la rassura, et lui demanda où étaient Pierre et ses frères.

« Mes deux cadets sont occupés à enterrer l’Écossais qui est mort ici cette nuit, dit Colette à voix basse, et quant à mon Pierre, il est parti. Dieu sait s’il reviendra jamais.

– Et où est-il allé ?

– À la cour de France, demander justice pour notre bon seigneur. Il m’a dit : « Voyez-vous, mère, le chapelain y est allé ; mais il est vieux, il lui faut tout un attirail de montures, de domestiques. Moi je suis le plus leste marcheur de tout le Cotentin. J’irai, cheminant jour et nuit, jusqu’à Bellesme où est le roi, et je lui dirai ce qui en est mieux que personne, puisque j’ai tout vu. Allez au château le plus tôt que vous pourrez. Je cours de ce pas avertir Mme la connétable. – Mais, lui ai-je dit, les Anglais te tueront..– Non point, me dit-il ; mère, donnez-moi les vêtements de pèlerin que portait jadis mon père quand il allait au mont Saint-Michel. C’est la meilleure sauvegarde que je puisse prendre. » Et il est parti.

– Il a bien fait, dit l’écuyer ; si je savais parler comme lui, j’irais dire à la reine ce qui s’est passé ; mais il faut que je reste à Brix. Une fois mon pauvre maître enterré, je m’occuperai de le venger.

– Enterré ! s’écria Colette ; que dites-vous, Alain ? » Et, bientôt instruite, elle éclata en cris et en sanglots.

« Vous êtes heureuse de pouvoir pleurer, dit Alain ; moi je suis comme changé en pierre, tant j’ai froid au cœur. Adieu, Colette, viendrez-vous à la cure ?

– J’irai d’abord à la Luthumière voir notre demoiselle et ma fille, dit Colette ; je partirai d’ici dès que mes gars seront rentrés.