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« Te voilà donc encore revenu, Gillot, lui dit Yvain est-ce pour tout de bon, cette fois ?

– Oh ! oui, pour sûr, dit Gillot ; mais halte ! voilà que mes gerbes se défont. Il faut les amarrer. Et il fit arrêter sa voiture sur le pont.

– Passe donc, dit Yvain, monseigneur veut que le pont soit baissé au coucher du soleil, et il y a déjà cinq minutes qu’il devrait l’être. Hue ! cria-t-il en frappant les chevaux ; mais, prompt comme l’éclair, Gilles coupa les harts, et tandis que les chevaux seuls entraient dans la cour, les gerbes de blé, tombant sur le pont, laissèrent voir dix à douze hommes armés qui, sautant en bas de la charrette, s’élancèrent sur les sentinelles et les garrottèrent.

« Trahison ! trahison ! » s’écrièrent les hommes d’armes et les paysans rassemblés dans la cour du château.

« Ganneville ! à la recouse ! » crièrent les assaillants, et le combat s’engagea fort inégal : les vassaux de Brix, la plupart sans armes et à demi paralysés par l’effroi, avaient affaire à des bandits déterminés, armés de toutes pièces, et dont le nombre allait toujours croissant, car le pont encombré, ne pouvant être relevé, livrait passage à toute la troupe que Hugo avait déjà amenée le matin et qui s’était tenue cachée dans la forêt. En moins de dix minutes, les défenseurs du château, blessés, meurtris, furent enfermés dans les salles basses, pêle-mêle avec les femmes et les enfants, et lorsque Adam de Brix, entendant leurs cris, descendit précipitamment du donjon où il était monté avec sa petite-fille et Marie, et arriva dans la cour, il se trouva en face d’Hugo de Ganneville, qui, sans daigner le regarder, dit à ses hommes :

« Relevez le pont, le château est à nous !

– Misérable ! s’écria le baron, qu’oses-tu dire ?

– La vérité, Messire, reprit Hugo en ricanant ; et vous n’avez qu’une chose à faire, c’est de quitter au plus vite le château et d’obéir aux ordres de la reine. La nef de vos enfants traîtres et rebelles vous attend au port de Barfleur. Je vais faire seller vos chevaux.

– Pas avant d’avoir combattu avec moi ! s’écria Adam : en garde ! » et, tirant son épée, il l’attaqua avec fureur ;