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Alain partit. L’église de Brix avait été donnée par les seigneurs du domaine aux bénédictins de l’abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte, et ils y entretenaient trois des leurs, chargés de desservir la paroisse. Ces bons religieux ne voulaient pas quitter le presbytère. Alain eut beaucoup de peine à les y décider. Il les emmena enfin, mais ce ne fut qu’après trois heures de préparatifs et d’emballages compliqués.

Or, pendant qu’il était ainsi occupé, Pierre, qui depuis le matin n’avait pas quitté Alain, l’aidant de son mieux, écoutant et observant toutes choses, lui dit :

« Messire Alain, avec votre permission, je voudrais aller faire un tour au Val pour conforter ma bonne mère et voir ce qui advient par là. Vous n’avez plus besoin de moi, n’est-ce pas ?

– Je m’en passerai, puisqu’il le faut, dit Alain : tu as raison d’aller au Val. J’aurais dû y penser. Amène-nous ta mère.

– Oh ! quant à cela, dit Pierre, je n’y compte point. Ma mère sait ma sœur en sûreté au château, et elle ne quittera point sa maison. Je reviendrai le plus tôt que je pourrai. Adieu. »

Il partit, et Alain le regarda s’éloigner avec regret.

« C’est un garçon intelligent et courageux, dit-il au curé dom Benoît ; tout ce qu’il entreprend il le mène à bien. S’il eût voulu, j’aurais fait de lui un fameux écuyer.

– C’est dans l’armée du bon Dieu qu’il servira, dit dom Benoît ; mais, Alain, hâtons-nous, le jour va finir. »

Tandis que les religieux terminaient leurs préparatifs, une charrette, attelée de deux bons chevaux et chargée de gerbes de blé, gravissait la montée du château. L’homme qui la conduisait, Gilles le Roux, était le plus mauvais sujet de la paroisse. Le baron l’en avait chassé plusieurs fois, et il y revenait toujours, protégé par ses parents, bonnes gens qui espéraient corriger l’enfant prodigue à force d’indulgence. Le pont était baissé, et les sentinelles, tout en reconnaissant Gilles le Roux, ne conçurent aucun soupçon.