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raine, et un noble normand ne peut être dépossédé de ses terres et châteaux sans une décision de l’Échiquier.

– Messire Adam, reprit Ganneville, je ne suis pas de si grande noblesse que vous, et je n’ai pas l’honneur de faire partie de la haute cour des pairs de Normandie ; mais je sais que, dès la première année du règne de Louis VIII, père du roi actuel, l’Échiquier décida que tout baron normand qui refuserait de reconnaître comme bonne et valable la confiscation de la Normandie, et se révolterait contre le roi de France, verrait ipso facto ses terres confisquées et ses forteresses rasées. Et vous étiez présent à la séance où cette ordonnance fut faite. C’était à Caen, le 15 novembre 1225 ; il n’y a pas trois ans.

– Sire Hugo, reprit le baron de Brix, cela est vrai ; mais qu’importe ? Je ne suis pas révolté contre le roi : la loi ne m’atteint pas.

– Baron, dit Ganneville, si vous n’êtes pas en révolte, d’où vient donc que vous donnez asile aux révoltés ? D’où vient que, cette nuit même, une troupe armée sortie d’ici a attaqué mes hommes dans la forêt de Brix, et en a tué deux ? D’où vient que depuis deux jours on approvisionne votre château comme pour un siège ? D’où vient enfin qu’au lieu d’être reçu comme un voisin, un ami, je vous trouve enfermé dans votre château, armé de pied en cap, et refusant d’écouter les ordres de la reine ?

– La reine a droit à tous mes respects, sire Hugo, et le héraut qu’elle a envoyé ici, il y a trois jours, fut reçu avec honneur. Mais vous, qui me prouve que vous venez de sa part ? On connaît vos habitudes, qui sont plutôt celles d’un coupe-jarret et d’un malandrin que d’un gentilhomme. Que faisaient vos hommes d’armes cette nuit dans ma forêt de Brix ? Ils venaient braconner comme toujours, et tendre des pièges à mon gibier. Sachez-le bien, le premier qui sera pris sera le premier pendu.

– Par la mort-Dieu ! s’écria Ganneville, vous dites là une chose fausse, Messire. Mes gens étaient en campagne pour le service du roi de France et guettaient les rebelles échappés du château de la Haye.

– Oui-da, votre attachement au roi de France est connu,