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Luce se hâta de faire servir de solides rafraîchissements aux gens de lady Marjory, et, tandis que la comtesse faisait aussi un petit repas, Luce préparait ce qui était nécessaire pour panser les blessés. Elle le fit avec autant d’adresse que de douceur ; car à cette époque les filles nobles, destinées à vivre parmi des guerriers, étaient dès leur enfance accoutumées à soigner les blessés, et il ne leur fût jamais venu à l’idée qu’une femme pût se faire gloire d’être délicate, peureuse, et de s’évanouir à la vue du sang.

Marjory l’aida, en admirant l’art avec lequel la jeune fille disposait les bandages de fine toile, les simples et les onguents de sa petite pharmacie.

« Dans nos montagnes, dit la comtesse d’Annandale, nous n’y faisons pas tant de façon. Nos hommes se pansent entre eux, comme ils peuvent, et n’en guérissent pas moins.

– En France et en Normandie, ma tante, les chevaliers prétendent que la main d’une femme est plus douce et vaut mieux. Ils font des blessures, et c’est nous qui les fermons.

– Voici la lune qui se lève, dit Marjory : à cheval ! à cheval ! Adieu, Luce. Si la Normandie cesse de vous agréer, ou si l’exil est votre partage, souvenez-vous que vous avez en Écosse une tante qui serait fière et heureuse de vous servir de mère. Adieu. »

Elle l’embrassa, monta à cheval et partit à la clarté de la lune, qui s’élevait au-dessus des coteaux de Couville.

Dès qu’elle eut vu refermer la porte du château, Luce alla écouter à la porte entr’ouverte de son grand-père. Il dormait paisiblement. Une lampe brûlait dans la cheminée, et Alain, assis dans un grand fauteuil, près du lit, fit signe à Luce qu’il veillait et qu’elle pouvait aller dormir. Mais la jeune fille, inquiète, se rendit sur la plate-forme de la tour du nord et regarda au loin. La lune éclairait bien. Elle vit l’escorte de lady Marjory traverser le pont jeté sur la rivière d’Ouve et disparaître sous les arbres, en suivant le chemin qui allait vers le nord. Le bruit des pas des chevaux ne se faisait plus entendre qu’à peine, lorsque tout à coup un cliquetis d’armes et des cris s’y mêlèrent. Le