Page:Lavergne - Fleurs de France, 1924.djvu/47

Cette page n’a pas encore été corrigée

étaient partis lorsque Yvain, étant allé à la foire à Valognes, en rapporta des nouvelles peu agréables. On disait que les Bretons, joints à quelques centaines d’Anglo-Normands débarqués à Granville, étaient allés assiéger le château de la Haye-Paisnel, l’une des plus fortes places de Normandie, et que, dans le Perche, le vicomte de Bellesme, révolté contre le roi de France, avait arboré l’étendard anglais. Yvain n’en raconta pas davantage à Alain ni aux autres domestiques ; mais il dit en confidence au père Hélier que le comte Robert, à la tête de tous ses maudits Écossais, était parmi les assiégeants devant la Haye-Paisnel.

« Cela ne me surprend pas, dit le chapelain, mais ce sera un terrible coup pour monseigneur. Il est bien souffrant. Ne dites rien, Yvain : les mauvaises nouvelles vont toujours trop vite. Tâchons d’arrêter celle-là. »

Mais les précautions du père Hélier furent vaines. Beaucoup de vassaux de Brix étaient allés à Valognes, et, lorsqu’au retour ils dirent à leurs femmes que la guerre allait recommencer, et cela par la faute des Bretons, des Anglais et surtout du comte Robert, ce fut dans le village un concert de cris et de lamentations. Les femmes accoururent au château, demandèrent Mlle de Brix et la conjurèrent de prendre sous sa garde tout ce qu’elles possédaient de précieux. Elles parlaient toutes à la fois, pleurant et criant comme si l’ennemi eût été aux portes. Luce eut beaucoup de peine à savoir la vérité. Elle essaya de calmer ses vassales en leur disant que la Haye-Paisnel était bien loin de Brix.

« Ah ! notre demoiselle ! s’écria la doyenne du village, la vieille Arlette, rien n’est loin pour le feu ! On allume un fétu, toute la meule s’embrase, et la guerre fait ainsi. Ô maudite guerre ! Nous allons tout perdre ; tout sera brûlé, paille et blé ! Et dire que c’est mon nourrisson, ce petit Robert, si doux et si bel enfançon jadis, qui va ruiner son pays, et nous mettre tous à l’aumône ! »

Le baron de Brix avait entendu les clameurs des bonnes femmes. Il entra dans la salle où Luce les recevait, et à son aspect elles se turent, car il était aussi redouté qu’aimé de