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et amenez ici les coupables. Vous connaissez la loi du pays normand. Allez. »

Sans oser répliquer, le comte Robert mit le pied à l’étrier, et, suivi d’une partie de ses gens, partit à l’instant.

« Retournez chez vous, Havoise, dit le baron, votre génisse sera remplacée, et les Écossais payeront cher les coups donnés à votre fils. Allez, et ne parlez à personne de l’aventure, pour l’honneur de ma maison. »

Havoise remercia son seigneur et s’éloigna.

Le baron rentra dans la grande salle, suivi de lady Marjory et de Luce.

« Vous avez d’étranges serviteurs, Madame, dit-il à sa belle-fille, et je ne vous en ferai pas mon compliment.

– Il faut les excuser, dit la comtesse ; dans leur pays ces choses-là sont regardées comme peccadilles.

– En Normandie on les punit de mort, dit le baron, et vos Écossais seront pendus.

– À Dieu ne plaise ! s’écria la comtesse, ce sont d’excellents hommes d’armes, et ils n’ont pris la vache de cette vieille criarde que pour s’amuser.

– Et faire honneur à mon hospitalité, sans doute ? dit le baron. Vous oubliez, Madame, que vous êtes ici dans le pays du monde où la propriété est le mieux respectée. Les anneaux d’or du duc Rollon, après trois cents ans, sont encore suspendus aux croix des carrefours. Il ne me convient pas que des hommes d’armes, portant les couleurs de Brix et d’Annandale, se montrent voleurs de grand chemin à deux pas de mon château. Par l’âme du roi Richard ! ils le payeront de leur vie. Je vais faire dresser la potence. »

Il sortit sans regarder Luce, qui, pâle d’effroi, joignait les mains et essayait d’intercéder pour les coupables.

« Fera-t-il comme il le dit ? demanda lady Marjory à sa nièce.

– Hélas ! dit Luce, je le crains. Mon grand-père jure rarement, mais quand il dit : Par l’âme du roi Richard ! on peut être sûr qu’il est bien en colère.

– Si vous obtenez la grâce de mes hommes d’armes, dit lady Marjory, je vous donnerai ma plus belle bague.

– Dieu sait, dit Luce, que je donnerais moi-même tous