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seigneur m’a signifié que toute trace du passage des Écossais devait être effacée aujourd’hui. Le comte Robert part à midi, et aussitôt après monseigneur fera sa ronde. Dépêchez-vous ; et si je vous reprends à causer, gare ! »

Il s’éloigna, et les deux valets se remirent à l’ouvrage avec toute l’activité dont ils étaient capables.

Un peu après que l’Angélus de midi eut sonné à la chapelle, les chevaux du comte et de sa suite furent amenés dans la cour, tout enharnachés pour le départ. Tandis qu’ils piaffaient d’impatience en attendant leurs maîtres, encore à table, une paysanne se présenta à la porte du château et insista pour être introduite auprès du baron de Brix. C’était une de ses vassales, fermière aisée, parente d’Alain, et celui-ci l’engagea à attendre un peu.

« Monseigneur va dire adieu à ses enfants qui partent pour la Bretagne, dit-il, et vous le verrez après leur départ.

– J’ai autant affaire au comte Robert qu’à lui, dit la vieille Havoise, et je vais les guetter au passage. »

Bientôt la famille de Brix parut sur le seuil, et Havoise, s’élançant au-devant du baron, lui cria : « Haro ! Monseigneur : je viens vous demander justice contre les gens de votre fils, messire Robert.

– Que veut cette folle ? dit lady Marjory ; n’allez-vous pas la chasser ?

– Pas avant de l’avoir entendue, dit le baron. Parlez, Havoise, et soyez brève. Qu’y a-t-il ?

– Il y a, mon bon seigneur, dit Havoise, que, vrai comme je suis baptisée, une dizaine d’Écossais de la suite de messire Robert ont passé par chez nous ce matin, m’ont volé ma plus belle génisse, l’ont tuée et la font cuire en ce moment au carrefour Gréard, où ils ont allumé un grand feu. Mon gars leur a demandé de la payer, mais ils se sont moqués de lui et l’ont battu rudement. Est-ce ainsi, Monseigneur, qu’il est permis d’agir, en temps de paix, sur vos terres, en ce libre pays de Normandie ? »

Le baron Adam l’avait écoutée en silence, mais pâle et les lèvres serrées. Il se tourna vers son fils : « Montez à cheval, Robert, lui dit-il, allez voir ce qui se passe là-bas,