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Valognes, reprit lady Marjory, regrette-t-on la domination anglaise ?

– Non, Madame, le roi de France a laissé à la Normandie toutes ses coutumes et franchises. Il est aimé ici ; le peuple ne demande que la tranquillité, et la noblesse haïssait le roi Jean.

– Je n’excuse pas les crimes de Jean sans Terre, dit lady Marjory ; mais son fils en est innocent, et les nobles normands ont forfait à l’honneur en abandonnant sa cause.

– Pourtant, Madame, dit Luce, notre saint-père le pape les avait déliés du serment de fidélité, et la Normandie confisquée a reconnu les droits du roi de France. »

Lady Marjory n’écoutait plus sa nièce. Les yeux tournée vers la vallée, elle regardait venir son mari et le baron de Brix qui chevauchaient vers le château accompagnés par un troisième cavalier bien monté et richement vêtu.

« Connaissez-vous ce seigneur ? » dit-elle à Luce.

La jeune fille le regarda attentivement et dit :

« Je crois que c’est messire Foulques de la Haye-Paisnel, notre arrière-cousin.

– Ah ! tant mieux, dit lady Marjory, j’attendais sa visite avec impatience. »

Elles se rendirent toutes les deux dans la grande salle, et le dîner fut tôt après servi.

Le lundi suivant, deux valets du château s’occupaient à ranger et à nettoyer une grande salle basse où avaient couché sur de la paille les hommes d’armes de la suite du comte Robert. Armés de grands râteaux et de balais de bruyère, ils entassaient cette paille brisée et la poussaient vers la porte de la cour, et, tout en besognant, selon l’usage immémorial des valets, ils exerçaient leur langue aux dépens du prochain.

« Quel plaisir d’être enfin débarrassé de ces Écossais ! disait Yvain : quels êtres rudes et grossiers ! quels buveurs ! quels mangeurs ! Comprends-tu, toi, d’où vient au comte Robert cette manie de se faire suivre, en pleine paix et pour venir en visite chez son père, d’une troupe si nombreuse et si incommode ?

– Oh ! reprit Jacquet, m’est avis que la paix ne durera