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possesseurs, restés fidèles à la dynastie des Plantagenets, avaient suivi le roi Jean en Angleterre.

Luce de Brix conduisit d’abord sa tante dans la lingerie et le garde-meuble, lui montra le beau trousseau qu’on préparait pour elle, les toiles de Flandre, les étoffes d’Orient, les tapis de Smyrne rapportés jadis de la croisade, et rangés avec soin dans les coffres et les bahuts de chêne. Elle lui fit aussi voir, du haut du balcon qui la dominait, la veste cuisine où rôtissait devant un feu de souches un daim, trois moutons et quatre cochons de lait, une pomme entre les dents, tandis que les cuisiniers préparaient des tartes énormes et surveillaient les marmites brillantes comme de l’or, et suspendues à la crémaillère.

Puis elle voulut montrer à la noble Écossaise les présents qu’elle avait reçus de Mme du Hommet, les bijoux de sa défunte mère, la tapisserie qu’elle brodait ; mais tout cela ne paraissait guère intéresser lady Marjory. Elle voulut voir la salle d’armes ; là elle parut émerveillée, et apprécia la valeur des armes, le fil des épées, la force des casques, comme l’eût pu faire un chevalier. Parcourant les remparts, montant sur les tours et considérant avec satisfaction la profondeur des fossés et l’épaisseur des murailles, elle dit à Luce :

« Vraiment, belle nièce, ce château est bien construit. Il doit être imprenable.

– On le dit, belle tante, répondit Luce ; mais il n’a jamais été assiégé. Quand le roi Richard y vint, en 1194, il l’admira comme vous, et conseilla à mon grand-père de bâtir la tour où nous sommes pour compléter la défense de ce côté-ci. C’est pourquoi vous voyez ces armoiries sculptées sur la porte, et on appelle cette tour la Tour du roi Richard. Voyez, la date de sa visite est gravée auprès : 11 mai 1194.

– J’aime à voir là l’écusson des Plantagenets, dit lady Marjory ; mais, dites-moi, Luce, votre grand-père est-il donc devenu tout à fait Français ?

– Oh ! oui, belle tante, il l’est bien, et assurément on ne le fera pas changer.

– Et dans ce pays-ci, à Cherbourg, par exemple, à