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guste, tremblant dans son Louvre, m’offrirait la paix et des trésors. Je ne suis qu’une femme, mais je suis l’héritière de vingt domaines, de nombreux chevaliers aspirent à m’obtenir. Qu’ils le sachent bien, je n’épouserai que celui qui me rendra mon château de Normandie. C’est là que je suis née, c’est là que je veux aller attendre le soir de ma vie, près des tombes de mes pères, prés de la tienne, ô duc Rollon ! »

Pendant ce chant, le vieux baron avait plus d’une fois froncé le sourcil ; mais, ne voulant pas désobliger sa belle-fille, il feignit de n’avoir pas compris le sens des paroles. Il remercia la comtesse, loua sa belle voix, et, prétextant la fatigue de ses hôtes, donna le signal du repos. La prière fut dite à la chapelle, et bientôt après le couvre-feu sonna, et les lumières du château s’éteignirent avant dix heures.


VI

COMPLOTS ET MENACES


Le lendemain matin, aussitôt après la messe et le déjeuner, qui, en ce temps-là, ne consistait pour les chevaliers qu’en un verre de vin et un peu de pain trempé, le baron et son fils, suivis de leurs écuyers, allèrent se promener à cheval dans la forêt. Luce de Brix proposa à sa tante de visiter le château. Marjory accepta volontiers et suivit sa jeune nièce. Depuis quelques années le baron avait fort embelli le château et s’était plu à le fortifier. Comme il avait été, parmi les nobles normands, un des premiers à se soumettre au roi de France, lors de la confiscation du duché de Normandie, Philippe-Auguste avait trouvé bon que le château de Brix devînt une redoutable forteresse, tandis que, par son ordre, on démolissait nombre de châteaux dont les