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pettes se fit entendre, et celles du château y répondirent par de joyeuses fanfares.

Bientôt on distingua le panache écarlate du comte Robert, sa haute taille, son coursier blanc, et à côté de lui l’élégante et fière lady Marjory, sa femme. Elle était presque aussi grande que son mari, et guidait hardiment, non point une haquenée de dame, mais un cheval semblable à celui du comte Robert. Quelques pages et deux écuyers les suivaient ou les précédaient de quelques pas, et, ce qui surprit beaucoup Luce de Brix, une troupe d’une centaine d’hommes d’armes marchaient à quelque distance, bien montés, enseignes déployées, et portant les uns des lances, les autres des arcs d’une très grande dimension.

« Mon oncle amène une petite armée, dit-elle ; je ne m’attendais pas à lui voir une suite si nombreuse. Et vous, Monseigneur ?

– J’en suis aussi surpris que vous, ma fille. Le messager de mon fils ne m’avait annoncé qu’une trentaine d’Écossais, et je trouvais que c’était bien assez. Nous en logerons dans les granges. Mais rentrons dans la salle. »

Il prit le bras du chapelain et alla s’asseoir sur son fauteuil seigneurial abrité d’un dais armorié. Dix valets tenant de grands flambeaux de cire se rangèrent autour de la salle. Luce s’assit sur une escabelle, auprès de son grand-père, qui le voulut ainsi, et ne permit pas qu’elle allât au-devant de sa tante. Il envoya l’intendant et la femme de charge recevoir les hôtes dans la cour du château.

Aussitôt descendus de cheval, le comte et la comtesse, refusant d’entrer d’abord dans leurs appartements, se rendirent dans la grande salle. Ils y entrèrent précédés par deux pages portant des torches de cire, et suivis par leurs principaux serviteurs.

Il y avait plusieurs années que Luce n’avait vu sa tante, et elle ne se souvenait de son visage que confusément. Elle en demeura éblouie ; Marjory d’Annandale avait été l’astre de la cour du roi Jean, et bien qu’âgée alors de plus de trente ans, elle effaçait encore les plus belles. Sa haute taille d’une proportion parfaite, son profil aquilin, ses yeux bleu foncé, sa chevelure bouclée d’un blond ardent, et son