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Au revoir, mère nourrice. Ne défaites pas mon petit lit, je reviendrai bientôt.

– Dieu le veuille ! dit Colette. Hélas ! on sait quand on s’en va, point quand on reviendra. »

Et la bonne femme pleura longtemps encore après que la petite cavalcade eut disparu derrière les chênes du clos.

Au château de Brix tout était en mouvement pour préparer une belle réception au comte Robert ; mais les ordres multipliés et contradictoires du vieux baron, ses hésitations et ses impatiences faisaient perdre la tête à ses serviteurs. Aussi furent-ils les plus contents du monde de voir arriver leur jeune maîtresse. Son grand-père la reçut à bras ouverts, et ne s’informa même pas de ce qui l’avait décidée à revenir si à propos. Cette omission étonna et affligea Luce, et lui prouva que l’esprit du vieillard n’était plus si actif ni si vigilant qu’autrefois. Aidée par la femme de charge qui avait succédé à défunte Jouvine, elle se hâta de faire mettre en bon ordre l’appartement des hôtes et d’ordonner le festin, et le père Hélier emmena le baron sur la terrasse, lui fit raconter le siège de Saint-Jean-d’Acre, afin qu’il ne se mêlât de rien.

Le soleil commençait à décliner. Tout était prêt, et Luce de Brix, revêtue de son costume d’apparat, se rendit près de son grand-père, qui s’était placé, pour guetter l’arrivée du comte Robert, sur une plate-forme attenante à la salle du dais. Luce était vêtue d’une longue robe de cendal blanc et d’un surcot de velours bleu d’azur bordé de menu-vair ; ses longs cheveux flottants formaient un manteau d’or tombant jusqu’à ses pieds, et un chapel de roses blanches couronnait son front charmant. En la voyant si belle, l’aïeul sourit, et, l’embrassant avec tendresse, dit au père Hélier :

« Je voudrais bien voir les noces de cette fiancée-là, mon père. Il faut le demander à Dieu.

– Ainsi fais-je soir et matin, Monseigneur, dit le chapelain ; mais, regardez, voici l’escorte de votre fils. »

Sur la colline, où les derniers rayons du soleil faisaient étinceler les casques et les armures, le son éclatant des trom-