de cheval dans mes bras ; son humeur change ; il devient colère, méfiant ; il ne prend plus rien à gré depuis le départ de mademoiselle. Et, pour comble de malheur, le comte Robert et madame sa femme sont débarqués à Barfleur et arrivent ce soir au château. Un messager est venu les annoncer hier pendant que le père Hélier était ici.
– Eh bien ! dit Colette, cela fera de la compagnie à monseigneur, et il ne s’ennuiera plus.
– Ah ! Colette, bien au contraire. Monseigneur et son fils Robert ne se sont jamais bien accordés, et la comtesse d’Annandale est loin d’être agréable à son beau-père. Ils amènent une suite nombreuse de ces damnés Écossais, à moitié sauvages, et tout le château va être comme une ville prise d’assaut si mademoiselle ne revient pas conforter et seconder son grand-père.
– Oui-da ! dit Colette, et elle retombera malade au milieu de ce tracas. Est-ce que monseigneur la demande ?
– Non point ! dit Alain ; au contraire, il a défendu au père Hélier de rien lui faire dire ; mais comme il ne m’a rien défendu, à moi, je suis venu prévenir notre demoiselle. Vous lui direz tout cela à son réveil, n’est-ce pas ?
– Peut-être que non, dit Colette. Mon affaire, à moi, c’est de soigner ma fille, et elle est ma fille, toute grande dame qu’elle est, voyez-vous, Alain !
– D’accord, répondit l’écuyer ; mais, avant tout, il faut songer à monseigneur. Notre demoiselle est toute jeune et lui fort vieux, et il le faut soigner. Et puisque je ne puis compter sur vous, Colette, je vais aller chercher mademoiselle…
– Vous n’en aurez pas la peine, mon bon Alain, dit Luce qui arrivait et avait entendu les derniers mots de l’écuyer ; j’ai vu votre cheval en allant à la messe à Saint-Jouvin, et bien vite j’ai rebroussé chemin pour vous parler. Qu’y a-t-il donc de nouveau ?
L’écuyer lui répéta tout ce qu’il avait dit à Colette, et Luce donna aussitôt l’ordre de seller sa haquenée.
« Je vais aller au château avec vous, Alain, dit-elle, et si mon grand-père se fâche, je me charge de l’apaiser. Allons, vite, Jacqueline, Annette, préparez-vous à me suivre.