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jeune fille portait le grand bonnet ailé, le fichu à franges et la robe de droguet noir des femmes du pays. Elle était fort jolie, et d’un air décidé, armée d’une baguette de coudrier, gouvernait sa rustique monture. L’homme d’armes, qui avait pris les devants, s’écria en la voyant : « Hé ! bonjour, Marie du Val ; quelle merveille de vous voir ici ! Je vous croyais bien occupée à soigner notre demoiselle.

– C’est pour l’amour d’elle que je suis ici, dit Marie ; il faut que je parle au médecin. Faites-moi le plaisir de me laisser seul avec lui, mon bon Hervé.

– Non point, s’écria Hervé, on le dit sorcier, et je resterai près de vous pour empêcher qu’il ne vous ensorcelle.

– Dites plutôt parce que vous êtes curieux comme une chouette, reprit Marie ; mais, pour cette fois, messire Hervé, vous rengainerez votre curiosité. Allez vite au château annoncer l’arrivée de maître Draconis. Vous voyez bien que votre cheval est enragé d’impatience. Allons, détalez, et emmenez avec vous ces deux figures d’apothicaires, tandis que je causerai avec cet astrologue. Allez, vous dis-je, ou jamais de ma vie je ne vous parlerai.

– C’est aisé à dire, dit Hervé, mais monseigneur m’a commandé d’escorter le médecin, et je ne connais que ma consigne.

– La mienne lève la vôtre ; c’est monseigneur lui-même qui m’envoie vous remplacer. D’ailleurs je vais le dire à maître Ozius. »

Celui-ci arrivait près d’eux. Dès les premiers mots il comprit, et pria Hervé d’emmener en avant ses aides. Hervé, vexé, éperonna son cheval et en même temps donna de grands coups de houssine à ceux des apothicaires, et tous trois, prenant le galop, disparurent bientôt au détour du chemin.

« Maître Ozius, dit la jeune paysanne en amenant son petit âne à côté de la grande mule du docteur, je sais que vous êtes un grand physicien, et aussi bon et charitable que savant : c’est pourquoi je veux vous parler en toute franchise. Je suis la sœur de lait de Mlle de Brix ; je connais son mal, j’en sais le remède, et, si vous le permettez, je vais vous le dire.