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Jésus mort pour t’ouvrir le ciel, prends sa croix et suis-le. Songe au saint sépulcre, songe à Sion captive. »

Luce traça le signe de la croix sur son front, sur ses lèvres et sur son cœur ; puis, se levant, elle alla prendre sur l’autel la croix bénite et la présenta en silence à Guillaume.

Celui-ci la prit, la baisa, et dit à sa fiancée :

« Devant Dieu et Notre-Dame, Luce, je vous promets d’être digne de vous. »

Le baron s’était levé aussi, mais, pour la première fois, il dut s’appuyer au bras du chapelain.

« Ma fille, dit-il, vous avez bien fait. Je ne verrai pas vos noces. Quand Guillaume reviendra du pays d’outre-mer, je ne serai plus ici-bas qu’une froide poussière ; mais j’aurai offert à Dieu le sacrifice de mes dernières joies et je mourrai tranquille et content de vous. Mes enfants, soyez bénis !… »

Et le festin du lendemain fut un festin d’adieu.

III

LUCE DE BRIX


L’automne et l’hiver s’écoulèrent tristement au château de Brix. Comme d’habitude, le baron Adam réunit aux fêtes de Noël de nombreux convives et régala tous ses tenanciers ; mais, malgré les bonnes nouvelles qu’il avait reçues d’Aigues-Mortes, où le connétable s’était embarqué au mois de septembre, le baron était triste, et sa petite-fille, tout en faisant les honneurs du château avec sa bonne grâce accoutumée, ne voulut ni danser, ni chanter, ni prendre part aux jeux de la noblesse invitée au réveillon.

Mme du Hommet, souffrante, ne put y venir ; mais elle envoya de magnifiques présents à sa future belle-fille, et lui promit de l’aller voir au printemps.