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jointes tous deux, ressemblaient à des statues agenouillées sur un tombeau. Un nuage voilait le soleil, et les vitraux ne laissaient passer qu’un jour assombri. Un silence de mort régna pendant quelques minutes.

« Messire chapelain, dit le baron, récitez-nous le Veni creator, je vous prie.

Le père Hélier le fit, et la voix des auditeurs lui répondit. Quand ils eurent dit amen, le baron se leva et alla prendre sur l’autel la croix de drap rouge qu’avait renfermée la lettre. Puis, se tournant vers Guillaume et Luce, il leur dit :

« Mes enfants, il s’agit ici d’une décision capitale. Vous êtes bien jeunes, et pourtant je veux vous laisser libres. Voulez-vous attendre et réfléchir jusqu’à demain, Guillaume ?

– Ce n’est pas à moi à réfléchir, Monseigneur, dit le jeune homme ; je ferai ce que Mlle de Brix m’ordonnera, demain comme aujourd’hui, comme toujours.

– Luce, dit le vieillard, voulez-vous attendre ? »

Luce, aussi blanche que sa robe, se leva toute tremblante.

– Monseigneur, dit-elle, je ne vous demande que quelques instants pour prier Dieu. »

Elle tomba à genoux, et le baron reprit sa place à côté d’elle.

Luce regarda autour d’elle. Guillaume avait incliné la tête et priait, le front dans ses mains. Jouvine, ne pouvant plus étouffer ses sanglots, était sortie de la chapelle, et les deux vieillards priaient, immobiles et prosternés.

La jeune fille regarda son fiancé, son aïeul et songea combien elle les aimait, combien elle en était chérie. Un instant ses lèvres s’entrouvrirent pour dire : Ne partez pas.

Mais un rayon de soleil, perçant le nuage, illumina la rose de l’Occident et fit resplendir le Christ doré placé sur l’autel. Luce le regarda, et il lui sembla que le divin crucifié lui demandait, en échange de tout le sang qu’il a répandu sur la croix, quelques prémices de son bonheur terrestre.

« Si tu l’aimes, dit à Luce une voix intérieure, si tu aimes