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Vous allez nous conduire vous-même partout et nous livrer les suspects qui sont ici. Allons. »

Et prenant le poignet à Mme d’Algueville, qui frémit au contact de sa main, il l’emmena d’abord dans la chambre de ses fils. Heureusement ils dormaient encore.

« Par pitié, ne les éveillez pas, dit la pauvre mère. Je vous le demande au nom de vos enfants. »

Le commissaire en avait. Il ne fit pas de bruit, supposant bien, dans sa sagesse normande, que si Mme d’Algueville avait des secrets elle ne devait pas les confier à de si jeunes enfants. Il sortit de la chambre, qui n’avait d’issue que dans celle de Mme d’Algueville, et un de ses compagnons lui dit tout bas :

« Je crois que tu te laisses enjôler, Marcus. J’aurai l’œil sur toi. » Et il le suivit d’un air sombre.

Ils parcoururent toutes les pièces du premier étage. Les domestiques consternés étaient gardés à vue au rez-de-chaussée.

Tandis que le délégué et ses hommes fouillaient partout, la vicomtesse faisait bonne contenance. Elle se disait : « Ils auront bientôt fini. La cachette est introuvable. Rien dans la bibliothèque ne peut la faire soupçonner. »

Tout à coup une pensée lui vint, et son cœur se glaça. La lettre apportée par son mari était restée sur la table. On la verrait du premier coup.

Elle pâlit et chancela.

« Oh ! dit l’homme qui avait menacé Marcus ; la citoyenne se pâme. Regardez dans ce coffre. »

Il y avait là un grand bahut où deux personnes auraient pu se cacher. On le fouilla ; il ne contenait que du linge.

Rien de suspect n’apparaissait aux yeux des républicains. Les domestiques, interrogés séparément, juraient tous que personne au monde n’habitait le château qu’eux, madame et les enfants. Le commissaire, un peu déconcerté, ordonna de servir à boire dans le salon. Il s’étendit sur un canapé, but deux verres d’eau-de-vie, et dit à la vicomtesse, qui se tenait debout devant lui : « Citoyenne, je sais que vous êtes veuve et que vous donnez beaucoup aux indigents. Vous n’avez pas émigré. C’est bien. Écoutez, si vraiment vous