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passer en Angleterre. Je suis allé à Talbot-House, chez votre belle-mère, espérant vous y trouver. C’est elle qui, à force d’argent et de soins, m’a donné les moyens de venir vous chercher. Hâtez-vous de tout préparer. Ce soir, nous partirons, et le garde-côte s’embarquera avec nous. Il n’y a pas à hésiter. »

À peine achevait-il ces mots, qu’on entendit frapper violemment à la porte du château, et une voix brutale cria : « Ouvrez, au nom de la loi ! »

Madeleine s’élança vers une fenêtre qui donnait sur l’entrée principale, et, pâle d’effroi, se rejeta en arrière en disant :

« Ce sont les républicains. Ils viennent faire une perquisition ; nous sommes perdus !

– Non, s’écria l’abbé. Personne ne nous sait au château : la cachette est introuvable. Viens, Alain. Faites bonne contenance, ma sœur. À ce soir. »

Et, entraînant son frère, il courut s’enfermer avec lui dans l’appartement secret.

Restée seule, Madeleine éteignit la lampe qui brûlait encore, rentra dans sa chambre et poussa les verrous de la porte. Puis, à genoux, près du lit de sa fille endormie, elle écouta.

Les domestiques s’étaient levés et avaient ouvert. On montait l’escalier. Des pas et des voix retentirent dans la galerie, et on frappa du poing à la porte de Mme d’Algueville.

D’un geste brusque elle défit sa longue chevelure, et, tout enveloppée d’un peignoir blanc, comme si elle sortait du lit, elle ouvrit sa porte et se présenta d’un air tranquille et fier aux yeux d’une troupe d’hommes de mauvaise mine dont pas un ne lui était connu.

« Que voulez-vous, citoyens ? dit-elle. Je suppose que vous êtes fort pressés pour vous présenter ainsi, avant le lever du soleil, chez une femme peu accoutumée à recevoir des visites aussi matinales ? »

Ébloui de la beauté de la jeune châtelaine, le chef de la troupe, manant coiffé d’un chapeau à plumet et ceint d’une écharpe tricolore, se troubla un instant ; puis, reprenant son aplomb : « Citoyenne, dit-il, je suis délégué de la mu-