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meil étaient troublés par d’affreux rêves. À côté d’elle, sur une table recouverte d’un tapis, Minou-Minette dormait paisiblement. La lampe posée sur la cheminée n’éclairait presque plus. On entendait déjà les chants d’oiseaux, annonçant le lever du jour. L’abbé ne rentrait point, et sa sœur frissonnait de crainte.

Tout à coup la petite sonnette qui annonçait son retour tinta dans l’angle obscur où elle était cachée. La vicomtesse se hâta de descendre l’escalier de service, et ouvrit sans bruit une petite porte qui donnait sur le parc. Elle se trouva en face de l’abbé, mais il n’était pas seul. Un homme enveloppé d’un manteau à capuchon te suivait. « Je vous amène un messager de bonnes nouvelles, ma sœur, dit l’abbé tout bas, avec une singulière expression de joie. Montez vite, je fermerai la porte. »

Madeleine les précéda, et rentra dans la bibliothèque.

« Asseyez-vous là, dit l’abbé à l’inconnu. Ma sœur, continua-t-il en se tournant vers Madeleine et en la faisant asseoir, je viens de chez le garde-côte. Vous savez qu’il est pour nous. Il m’a remis cette lettre. Lisez-la tout haut, je vous prie. Monsieur doit l’entendre ; il sait de qui elle est.

– C’est l’écriture de ma belle-mère, dit Madeleine. Elle me dit :


« Chère amie, il faut venir me rejoindre avec vos enfants. Mon frère a mis son yacht à ma disposition. Le passager qu’il vous amènera vous dira combien ce bâtiment est fin voilier ; il sera la nuit prochaine à l’îlot de Sainte-Barbe ; prenez la barque de pêche du château. Emmenez avec vos enfants et l’abbé un ou deux domestiques bien sûrs. N’emportez que vos diamants et vos papiers. Tout ce que je possède est à votre disposition, mais il faut fuir. La France est perdue. Je vous attends.

« Votre mère, Georgina d’ALGUEVILLE. »


« Je ne partirai pas, dit Madeleine. Les biens des émigrés sont confisqués. Partir ce serait ruiner mes enfants. Je n’ai rien à craindre, d’ailleurs.

– Si on me découvre, dit l’abbé, vous serez arrêtée. Il