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Le vicomte referma la porte avec soin, et posa sa bougie sur une table. « Le moment est venu, dit-il, de vous faire connaître à tous deux la cachette pratiquée autrefois dans les murailles de ce château. Votre père, ma chère Madeleine, me la fit voir le lendemain de notre mariage, et il me demanda ma parole que je ne la révélerais jamais qu’à mon fils, à moins d’absolue nécessité.

« Le temps où nous vivons, les malheurs qui nous menacent, m’obligent à ne pas attendre que mon fils ait l’âge d’homme pour transmettre mon secret. Je prévois que d’ici à peu de temps les prêtres restés fidèles seront poursuivis. Mon frère aura besoin d’un asile sûr, et qui ne l’éloigne pas des chers trésors que je lui confie. Cet asile est ici même. Vous l’allez voir. »

Et déplaçant quelques livres du rayon inférieur de la bibliothèque, il fit jouer un ressort, un panneau de boiserie glissa, et découvrit un enfoncement obscur, entre la cheminée et la bibliothèque.

« Prenez chacun une bougie et suivez-moi, dit Alain. »

Ils pénétrèrent dans un étroit corridor, pratiqué dans l’épaisseur du mur, et, montant quelques marches, suivirent un autre passage. Ils arrivèrent dans une très petite pièce, aérée par des meurtrières, et qui communiquait avec la plate-forme d’une tourelle, dont l’escalier rompu ne servait plus depuis deux cents ans au moins. Pour descendre de cette tourelle il eût fallu avoir une échelle assez longue. Le cas était prévu ; une échelle de cordes goudronnées était roulée dans la cachette. Madeleine, qui habitait le château depuis douze ans, ne s’était jamais doutée de l’existence de cet étrange réduit.

« Je vous recommande les plus grandes précautions vis-à-vis des enfants et des domestiques, dit Alain. Petit à petit, sans que personne le puisse voir, il faudra garnir cette cachette, y placer de vieux tapis, de la paille, du linge, de l’eau surtout, et quelques provisions. Dieu veuille que ce soit inutilement ! »

Ils revinrent dans la bibliothèque. Alain referma soigneusement la cachette, enseigna la façon de l’ouvrir à la vicomtesse et à l’abbé, et après s’être bien assuré qu’ils en venaient