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La grille se referma, le rideau aussi, et le jeune guidon retourna au quartier.

Et le lendemain, chose surprenante, et qui assurément ne se voit plus de nos jours, Sabine Lichtlin et Robert de Leyen, du premier coup d’œil s’entendirent si bien, si bien, qu’après un demi-quart d’heure de conversation avec eux la révérende mère de Leyen leur permit d’échanger les bagues du baron, assurée qu’elle était d’avance du consentement des parents de Robert.

Ils se virent à travers la grille encore une douzaine de fois, puis, le jour de la majorité de Sabine étant arrivé, elle fut mise en possession de l’héritage du baron.

Sur ces entrefaites, Mme de Haütern, avertie par la révérende mère de Leyen des projets de sa nièce, lui avait rendu ses bonnes grâces et l’avait ramenée chez elle. Malignac, emmenant Jack comme valet, était allé chercher fortune ailleurs. Le père et la mère de Robert de Leyen arrivaient à Strasbourg. On préparait force parures, festins, carrosses et réjouissances, selon l’usage du temps ; et enfin Robert de Leyen et Sabine Lichtlin furent mariés à la cathédrale par le cardinal de Rohan-Soubise, alors archevêque de Strasbourg. Les Gottlieb et Mmes leurs épouses assistèrent au mariage, ainsi que Mme de Haütern, l’intendant et l’intendante, Me Zimmermann, les officiers du régiment de Royal-Dauphin, et bien d’autres personnages dont la renommée a rejoint les neiges d’antan, de même que leurs biens, leurs atours et leurs personnes sont devenus poussière.

Un peu avant que Strasbourg nous fût enlevé, en fouillant une cave où, pendant la révolution, avaient été cachés les bijoux de la famille de Leyen, on a retrouvé une bague d’or, guillochée de noir, ornée d’un saphir carré, et qui est, j’en suis sûre, la bague de Sabine ; ce qui le prouve péremptoirement, c’est que je l’ai vue, au doigt d’une noble et charmante personne qui porte le nom de Lichtlin. D’ailleurs, je vous défie, lecteur, de prouver le contraire.