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Robert prit patience en se promenant de long en large dans le parloir, et en priant Dieu que la jeune demoiselle ne fût pas trop causeuse. Enfin le volet s’ouvrit, et il aperçut à travers les doubles grilles sa vénérable grand-tante. Il courut vers elle, et lui témoigna sa joie de la revoir. Elle-même, les larmes aux yeux, ne pouvait se lasser de le regarder.

« Mon cher enfant, dit-elle, que je suis heureuse de vous revoir sous l’uniforme ! Enfin votre exil est donc fini !

– Oui, chère tante, le procès a été jugé. L’innocence de mon ami a été reconnue. Il. s’était battu loyalement : son adversaire s’est guéri et a témoigné en sa faveur. Il ne reste pas un nuage sur sa réputation ni sur la mienne.

– Oui, selon le monde, beau neveu, mais vous aviez péché : le duel est défendu.

– C’est vrai, ma bonne tante ; pourtant il est des cas où un militaire ne peut refuser de se battre ni d’être le témoin d’un ami.

– Enfin, dit en soupirant la supérieure, ne parlons plus de cela. À l’avenir, Dieu veuille vous épargner semblable aventure !

Amen ! ma tante. Mais je voudrais vous confier un secret.

– Parlez, beau neveu,

– Ma tante, il y a là quelqu’un, dit Robert en apercevant derrière sa tante une religieuse qui tricotait.

– La règle le veut ainsi, mon enfant : parlez, cette bonne sœur oubliera tout ce que vous direz.

– Alors, ma tante, je vais tout vous raconter. À la suite de ce malheureux duel, où je servis de témoin et où je faillis être arrêté par la maréchaussée, je m’enfuis, et, au lieu de rentrer à Strasbourg, j’allai demander un asile au comte Braünn, vieil ami de mon grand-père. J’étais alors en congé, comme vous savez ; mon régiment tenait garnison à Nancy. Le comte me reçut bien vieux militaire, il avait sur le duel d’autres idées que les religieuses, et traita de peccadille ce qui vous scandalise, ma chère tante. Mais sachant combien le roi était sévère à l’endroit des duels entre Allemands et Français, il me conseilla de rester