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Elle sonna et dit à son laquais d’aller appeler Mlles de Haütern.

« Et Mlle Sabine aussi, je vous en prie, dit l’intendante.

– Et Mlle Sabine aussi, » répéta d’un air vexé Mme de Haütern.

Les trois jeunes filles parurent bientôt : Itha et Thécla, rouges comme des pivoines ; Sabine, blanche comme un lis, et vêtue d’une robe de laine brune fort simple. Elles firent la révérence, s’assirent et répondirent aux questions multipliées de l’intendante à voix basse et sans lever les yeux, comme le voulait l’usage. Le marquis les regardait et se disait que Sabine en toilette ferait l’admiration de la cour de France. Il lui parla, lui décocha plusieurs compliments et n’en obtint que des réponses fort courtes.

La visite se termina, non sans que Mme de Haütern eût été contrainte de promettre qu’au prochain bal on verrait Sabine. En remontant en carrosse, Malignac assura l’intendante qu’il était pénétré d’admiration pour Sabine et voudrait l’épouser quand même elle n’aurait pas un sol.

Va-t’en voir s’ils viennent, Jean !

fredonna l’intendante, et, sur ce, elle lui promit de donner un bal dans quinze jours, pour qu’il revit la dame de ses pensées, lui plût et la demandât en mariage.

Ils firent encore deux ou trois visites, et tout Strasbourg ne parla cette semaine-là que de l’If et du joli marquis à marier. Deux ou trois douairières, femmes d’expérience, dirent cependant qu’on devait s’en méfier, vu la légèreté bien connue de l’intendante et le renom assez fâcheux de sa famille gasconne ; mais on les traita de prudes, de femmes à préjugés gothiques, et les meilleures maisons de la ville furent ouvertes au pimpant Malignac.

Sur ces entrefaites, deux banquiers de Strasbourg, les frères Gottlieb, garçons d’un âge assez mûr, mais fort riches et estimés, s’étant aperçus que leurs femmes de charge les volaient indignement, et que leur maison était fort mal tenue, tinrent conseil un beau soir, en fumant leurs pipes près du poêle, et, tout bien considéré, résolurent de se