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et monta, en sifflant, l’escalier branlant qui conduisait à l’étage supérieur. Il y trouva, près d’un bon feu, un jeune cavalier enveloppé d’un manteau, le chapeau enfoncé jusqu’aux sourcils, et qui s’était placé le dos au jour.

Jack referma la porte, mit le verrou, et, saluant l’étranger, lui dit :

« Je suis à vos ordres, monsieur le marquis. Que désirez-vous de moi ?

– Je désire, diablotin, que tu me répètes, mot à mot, ce que tu m’as dit cette nuit de Mlle Sabine Lichtlin.

– Je le ferai volontiers, Monsieur, mais quand nous aurons accompli certains rites magiques sans lesquels toute ma science m’abandonne. Veuillez faire apporter ici tout ce qui est nécessaire pour faire un bol de punch à la hollandaise.

– Charge-toi de ce soin, diablotin, je payerai ! »

Jack frappa du pied, le garçon monta, et apporta bientôt un assortiment convenable de bouteilles, de thé, de citron, de sucre et de cannelle. Jack renvoya le garçon et se mit à préparer le punch avec une gravité magistrale.

Le marquis le regardait opérer et se demandait s’il n’avait pas fait acte de dupe en prenant au sérieux les paroles d’un enfant de quinze ans.

« Or çà, diablotin, lui dit-il, où sont tes cornes et ton pied fourchu ?

– Je ne m’en sers que pour aller au sabbat, dit Jack ; en temps ordinaire, je passe pour être le petit clerc de Me Zimmermann. Mais je m’ennuie chez ce vieux tabellion ; sa servante, à elle seule, battrait les trois Parques, les Furies et Caron par-dessus le marché. J’ai donc résolu d’aller chercher fortune à Paris ; les gens d’esprit comme moi y font leur chemin. Mais il faut payer le coche. Je n’ai ni sou ni maille, et j’ai pensé qu’un bon avis donné à un galant homme, et n’aboutissant, après tout, qu’à faire marquise la plus charmante fille de Strasbourg, pourrait chasser de ma bourse un diable, mon ennemi, qui s’y loge obstinément depuis fort longtemps. Voyez plutôt. »

Il posa sur la table une bourse vide, et, allumant le punch, se mit à le remuer.