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« Je la prendrai, puisqu’il le faut, mais ce soir même elle couchera au couvent. »

Ces mots étaient restés gravés dans sa mémoire d’enfant, et rien, hélas ! n’avait effacé leur amertume, Mme de Haütern faisait pour sa nièce le strict nécessaire ; mais il semblait que le peu d’affection dont son cœur fût capable s’était complètement épuisé en faveur de ses filles.

L’heure s’avançait. Sabine, craignant d’être surprise, referma le coffret, le cacha bien, prit son ouvrage, et, tout en brodant, rêva silencieusement à la mystérieuse bague.


III

LE BAL MASQUÉ


Vraiment Mme l’intendante avait bien fait les choses. Le bal était splendide. Les salons de l’intendance, tout en boiseries blanches, éclairés par mille bougies, ornés de hautes glaces enguirlandées de fleurs, et la variété des costumes présentaient le spectacle le plus charmant.

Mme l’intendante, habillée en Junon, avait une magnifique robe de satin aurore, toute garnie d plumes de paon. Son diadème en éventail était formé de ces mêmes plumes, et l’œil de chacune d’elles orné d’un diamant.

M. l’intendant n’avait pas voulu s’habiller en Jupiter. Il avait pris un costume de schah de Perse qui lui allait fort bien. Les divinités de l’Olympe, les personnages de la comédie italienne, les bergers et les bergères de Watteau se coudoyaient dans le plus élégant pêle-mêle, et quelques dominos noirs y paraissaient comme des taches d’encre sur un beau tapis La musique était fort animée, les rafraîchissements exquis, enfin, tout allait le mieux du monde, et Mme l’intendante triomphait.