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souffre trop pour faire de la musique. Si je vais mieux demain, je vous enverrai le carrosse. Priez pour moi. »

Une enfin de ces lettres contenait ces mots :


« Adieu, Sabine, je ne vous verrai plus. Gardez cette bague de saphir en mémoire de moi et de celui qui vous aime et sera votre mari, s’il plaît à Dieu. Attendez-le jusqu’à ce que vous ayez vingt et un ans. Alors il viendra, et j’espère que vous l’accepterez. Adieu. Merci des heures heureuses que je vous ai dues. Gardez un secret inviolable sur tout ceci. N’en parlez qu’à celui qui vous remettra une bague semblable à la vôtre.

« Votre vieil ami,

« Comte Braünn. »



En relisant cette lettre Sabine se rappelait son défunt ami, le vieux comte Braünn, mort depuis un an seulement. C’était un musicien passionné. Malheureusement il n’était pas habile, et c’était un supplice que de faire de la musique avec lui.

Il habitait un vieux château voisin de la maison de campagne de Mme de Haütern, et, en souvenir de son mari, autrefois compagnon de chasse du comte Braünn, elle faisait quelques visites à ce gentilhomme, devenu infirme et n’ayant plus d’autre plaisir que de jouer du violoncelle.

Aux vacances, Sabine venait chez sa tante, et le comte ne tarda pas à savoir qu’elle jouait admirablement du clavecin. Il voulut l’entendre, étudia un duo pour le jouer avec elle, et insista tellement pour que la jeune fille vînt souvent chez lui, que Mme de Haütern consentit à la lui envoyer. Elle n’était pas fâchée de se débarrasser de Sabine, dont la beauté naissante éclipsait celle de ses filles, et la jeune musicienne prit l’habitude d’aller chaque jour, escortée d’une vieille gouvernante, tenir compagnie au comte Braünn.

Ses cousines la plaignaient fort de répéter vingt fois les mêmes morceaux de musique avec celui qu’elles appelaient le vieux podagre ; mais Sabine aimait encore mieux les fausses notes du comte et les récits de ses campagnes que les ca-