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« Vite, vite, venez voir. On a oublié de fermer les volets du salon chez la baronne. Il est éclairé, et les demoiselles, tout habillées pour le bal, répètent un menuet. »

Fritz et Jack se précipitèrent sur le dos d’Heinrich et aperçurent un fort agréable tableau.

Itha et Thécla, vêtues en bergères, avec de grands paniers, des robes de gaze d’argent relevées par des guirlandes de fleurs, des chapeaux retroussés couverts de roses, des souliers de satin blanc à talons rouges, et tenant à la main des houlettes dorées, enrubannées à foison, répétaient une gavotte avec M. Desrats, leur maître à danser. C’étaient deux belles filles, un peu fortes, qui avaient plus de fraîcheur que de grâce. Le petit Français, qui leur venait à l’épaule, jouait de la pochette et se démenait de toutes ses forces pour obtenir quelque peu de légèreté de ses belles élèves. Il sautait comme un cabri, tout en jouant du violon, et suppliait Mlles de Haütern d’aller un peu plus vite, et surtout de sourire.

Peine perdue ! ces demoiselles, serrées dans leurs corps baleinés, la tête hérissée d’épingles, les pieds dans de véritables étaux, commençaient à regretter que leur mère eût consenti à les laisser se travestir.

Mme de Haütern, habillée d’un magnifique costume de velours rouge qui avait appartenu à sa trisaïeule, et couverte de bijoux à l’ancienne mode, regardait ses filles, assise dans un fauteuil. Ses femmes de chambre étaient près d’elle, admirant leurs maîtresses, et, parmi elles, une très belle jeune fille attira l’attention des clercs.

« Quelle est cette belle personne ? demanda Fritz.

– C’est Mlle Sabine, dit Jack, une petite-cousine de la baronne.. Elle est orpheline, très pauvre, et Mme de Haütern l’a prise chez elle par charité, après l’avoir fait élever au couvent. C’est une charmante personne, les domestiques en disent tout le bien possible.

– Elle n’ira donc pas au bal ? Elle a une robe brune.

– Assurément non, Mme de Haütern est trop économe pour habiller sa pupille comme ses filles. Cette belle Sabine restera au logis comme Cendrillon ; mais rira bien qui rira le dernier. Si on savait ce que je sais, elle serait la plus