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vibration de la cloche se perdait dans l’espace, la tapisserie violette du fond de la chambre se souleva d’elle-même, et une procession de fantômes entra lentement.

Ils se rangèrent en silence autour de Diane, et, levant leurs suaires, découvrirent leurs visages pâles.

« Fille des Boisbriand, dit l’un d’eux, pourquoi appelles-tu nos pauvres âmes souffrantes ? »

Diane voulut les interroger, mais sa voix s’arrêta dans son gosier. Muette d’effroi, elle regardait tous ces visages inconnus.

Tout à coup ses cheveux se dressèrent, et elle jeta un cri d’angoisse : la noble figure de son frère, du comte Henri de Boisbriand, était devant elle, et de ses deux mains il pressait sur sa poitrine un linceul ensanglanté.

« Henri ! cria-t-elle.

– Priez pour moi, Diane de Boisbriand, dit-il, mon corps repose dans une tombe sanglante et mon âme souffre d’effroyables tourments. »

Elle n’en entendit pas davantage, et tomba comme si elle eût été morte.

Nicole accourut, et bientôt tout le château fut en rumeur. Le lendemain et les jours suivants, la comtesse Marguerite veilla près de sa jeune sœur, que dévorait une fièvre ardente. À toutes les questions elle répondait d’un air égaré : « Je souffre, je me tais. Ô ma sœur, par pitié, ne m’interrogez pas ! »

Enfin la fièvre disparut ; mais la jeune malade tomba dans un marasme effrayant. En vain sa sœur et ses neveux l’entouraient de soins et de caresses, en vain la comtesse lui assurait qu’elle avait de bonnes nouvelles d’Henri, rien ne réjouissait la pauvre Diane. « On me trompe, se disait-elle, je l’ai vu ! il est mort ! », et l’horrible vision était toujours devant ses yeux. Elle repoussait même le prêtre qui essayait de la consoler, et Marguerite, désespérée, croyait que la raison de sa sœur était perdue à jamais.

Un jour, la malade s’était endormie, et Marguerite était près d’elle. Une de ses femmes vint lui dire à voix basse : « Madame, un cavalier vous demande, il arrive de l’armée. »

La comtesse, tremblante, courut hors de la chambre ;