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le jour au balcon pour regarder si quelque messager n’apparaissait pas sur la route, ou, faisant seller son cheval et celui de l’intendant, elle galopait jusqu’à Amboise, et revenait sans avoir rien appris.

Un soir, c’était à la fin d’août, alors que les nuits deviennent longues et que de nombreuses étoiles filantes parcourent le ciel, Diane, lasse de les regarder, quitta le balcon, et, s’asseyant, ouvrit au hasard le livre de l’astrologue. La page qui lui tomba sous les yeux lui avait toujours paru incompréhensible ; mais tout d’un coup, par une intuition subite, elle en pénétra le sens.

« Si ce livre dit vrai, s’écria-t-elle, il y a ici même, dans la chambre violette, un lutin, un esprit qui m’entend. Hôte invisible du château de mes pères, toi dont j’ose prononcer le nom pour la première fois, Orson ! si tu es là, frappe trois coups ! »

Elle écouta, – et trois coups secs frappés sur la boiserie lui répondirent.

Diane était une fille des croisés, et ne s’effrayait pas facilement. Elle sentit cependant son visage devenir froid ; mais elle se raidit, et dit d’une voix ferme : « Si tu peux me donner des nouvelles de mon frère, frappe un coup, sinon frappes-en trois. »

Trois coups furent frappés.

« Tu n’es qu’un sot esprit, alors ! s’écria Diane avec colère. Me faudra-t-il donc évoquer les âmes du purgatoire ? Si oui, frappe un coup. »

Un coup ferme retentit.

« Eh bien ! dit-elle, qu’il en soit ainsi ! Je veux savoir des nouvelles de mon frère, et dussé-je évoquer tout l’autre monde, je le ferai, foi de Boisbriand ! »

Elle feuilleta son livre, plaça sur la table un sablier entre trois bougies allumées, et un peu avant minuit commença, d’une voix lente, à lire une formule d’évocation où elle nomma tous ceux de ses parents défunts dont les noms lui revinrent à la mémoire.

Minuit sonna à l’horloge du château, et au moment où les derniers grains de sable tombaient et où la dernière