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JEAN COSTE

s’étend au devant de l’école et que barre, de l’autre côté, le haut mur entourant les dépendances de la mairie. Là, les rangs se reforment, compacts, s’ébranlent de nouveau au signal et, toujours en chantant, les pieds martelant le cailloutis du sol, longent le jardin du directeur, remontent vers la cour, en contre-haut, ombragée de quelques pins élevés, et à laquelle on accède par un escalier de plusieurs marches. Un dernier signal : la troupe enfantine se disloque, se disperse dans une clameur de joie et bientôt la récréation bat son plein.

Selon son habitude, M. Largue, vieil instituteur, au visage anguleux, d’allures militaires — à cause de sa barbiche poivre et sel et de sa taille haute et raide, bien prise dans une redingote de coupe désuète — mais au regard hésitant et sournois sous le binocle, redescendit dans son jardin. Un sécateur à la main, il se mit à arracher les mauvaises herbes, qui pointaient çà et là, et à tailler les brindilles sèches et les gourmands de ses arbustes négligés pendant un mois et demi de vacances.

Les trois adjoints étaient demeurés ensemble dans la cour de récréation. Quoique un seul d’entre eux fût de service, ils continuèrent à causer, en marchant de long en large et en surveillant du coin de l’œil les jeux bruyants de leurs élèves. Bientôt, un gamin, envoyé au dehors, reparut et, tout rouge d’avoir couru, leur tendit un journal de la région. Ils s’arrêtèrent et, la feuille fraîchement imprimée ouverte à la troisième page, ils parcoururent d’un regard les colonnes de la chronique locale.

— Rien encore, — fit le plus âgé, Jean Coste, un grand et maigre garçon, très brun, louchant légèrement, mais de figure franche et sympathique. — Que diable se passe-t-il ?… Ce qu’il tarde, le mouvement, cette année… Il y a de quoi exaspérer ceux qui désirent ou craignent un changement…

— Le fait est que nous voici rentrés des vacances depuis