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la valeur. Toute la réflexion philosophique gravite autour de ces deux questions : qu’est-ce qu’exister, et plus précisément, qu’est-ce pour moi qu’exister ? Et si l’existence elle-même ne peut pas être récusée, à quoi bon cette existence ? Possède-t-elle une valeur qui la justifie, qui mérite qu’on accepte de la vivre et qu’on y consacre tous ses soins ? Mais cette question même est pleine de périls. Car on peut y répondre par la négation, ce qui produit le scepticisme et le pessimisme, qui sont les deux formes du désespoir. Pourtant il serait vain d’exiger que notre vie possédât une valeur par elle-même indépendamment de cet acte libre qui est son essence véritable, et que nul être au monde ne peut accomplir à notre place. Dès que cet acte cesse, dès qu’il commence à fléchir, tout nous est à charge. Les plus belles choses deviennent pour nous insignifiantes. Dès qu’il s’exerce au contraire, le monde retrouve la consistance et le relief qu’il avait perdus. C’est que l’esprit introduit la valeur avec lui dans chacune de ses opérations : il nous oblige tout ensemble à la découvrir et