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de nous demander quel est le sens que nous pouvons leur donner. Ou plutôt il faut dire que ce sens se trouve déjà impliqué dans la constitution même de l’univers des consciences. Quand le regard essaie d’embrasser le spectacle que les choses lui offrent, il ne peut jamais les considérer comme se suffisant à elles-mêmes : elles n’ont pour moi d’existence que dans leur rapport avec moi ; c’est ce que j’exprime en disant qu’elles sont des phénomènes. Mais cette affirmation ne peut me contenter. Dès lors il y a trois attitudes que l’on peut prendre en face d’elles : l’attitude du primitif qui les personnifie, qui les considère comme chargées d’intentions à son égard, comme bienveillantes ou hostiles, et qui essaie de se concilier leur faveur ou de conjurer leur malice. Il vit dans un monde mystérieux peuplé d’âmes dont il ne connaît pas les desseins et par lesquelles il se sent parfois protégé et presque toujours menacé. Il y a l’attitude du savant qui n’envisage dans le phénomène que ce qu’il peut nous montrer : en lui ôtant toute existence spirituelle, il le