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on avait pensé que la vie suffisait à mettre ces lois en œuvre, sans que la conscience ait à s’occuper de les découvrir. On en trouve des fragments dans les œuvres des moralistes. Mais ce qu’il importe d’abord de connaître, c’est qu’on ne peut passer de la subjectivité à l’objectivité que par le moyen de l’intersubjectivité.

Après avoir pris accès dans ce monde de l’intériorité, qui est le seul monde réel, on s’aperçoit bien vite qu’il est impossible de le quitter : c’est cette observation qui a donné naissance à l’idéalisme. Mais l’intériorité est à la fois nous et au delà de nous. Elle est en vous comme en moi. Ce qui nous sépare, c’est la matière, et non point l’esprit ; c’est elle dont le caractère fondamental est l’impénétrabilité. Car le propre de l’esprit est de pénétrer partout, dans la mesure précisément où il n’est pas retenu et aveuglé par elle. Ainsi, pour ce moi que je suis, lié à un corps et réduit à l’amour-propre, sortir de soi, c’est s’intérioriser davantage. Alors aussi je vous deviens en quelque sorte présent. Nous cessons d’être séparés