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si le moi est mien, c’est que je le sens comme mien. Ainsi, toute notre intimité psychologique s’ouvre à nous dans cette pénombre émouvante que nous ne parvenons jamais à rendre tout à fait claire. C’est au-dessus d’elle qu’il faut hausser son regard pour contempler ces idées qui sont la vérité de Dieu, et non point la nôtre, que nous voyons en lui, et non point en nous, pour recevoir de lui cette puissance miraculeuse d’agir selon les occasions qu’il nous propose, dont nous pouvons toujours mésuser et qui nous place toujours à mi-chemin entre la chute et la rédemption.

Voyez plus près de nous ce délicat Maine de Biran, si profond, si tourmenté, si méconnu, et qui ne pouvait être d’aucun autre pays. C’est son corps, d’abord, qui lui impose sa présence sensible, qu’il ne peut renier comme sien et dont il ne parvient pas à vaincre la résistance. Il s’y emploie pourtant et c’est alors que naît en lui le moi véritable, qui ne peut jamais éliminer l’autre et qui poursuit avec lui un dialogue ininterrompu. C’est ce dialogue qui est nous-même, c’est-à-dire une inces-