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infinie dont il participe et sans laquelle il ne serait rien. Et notre moi lui-même, loin d’être comme un îlot séparé dans l’immense univers, s’enracine en lui par le corps, où il risque toujours de devenir l’esclave des passions, et ne s’en délivre que pour se soumettre à un ordre qui le dépasse et que le rôle de la raison est de reconnaître plutôt que de créer. Notre liberté s’exerce entre ces deux extrêmes ; et il y a une sagesse cartésienne qui la guide, et que chacun de nous met à l’épreuve dans tous les événements de sa vie quotidienne.

Malebranche a moins de gloire, mais il est peut-être notre plus grand philosophe : car nul autre sans doute n’a été un psychologue aussi attentif, ni un métaphysicien aussi pur. Et sa pensée tout entière est une circulation ininterrompue entre le moi et Dieu. Dissipant l’ambiguïté qui subsistait dans le « je pense » cartésien, que l’on voulait réduire tantôt au moi individuel, tantôt à la pensée désincarnée, Malebranche conteste à Descartes que le moi lui-même soit la chose du monde la plus aisée à connaître ; je ne connais que des objets, mais