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Mais nous aspirons à nous en délivrer. Notre moi veut s’arracher à la solitude, au lieu de s’y enfermer : il cherche à se porter naturellement vers ce sommet de lui-même où il entre en commerce avec tout ce qui est, avec les choses, dont il fait les véhicules de ses desseins, avec les idées, qui lui en donnent une sorte de possession intellectuelle et dépouillée, avec les autres êtres qui sont les témoins et les médiateurs de toutes ses pensées, avec Dieu lui-même, qui est comme une vérité omniprésente dont il a besoin pour les soutenir et les justifier. Dira-t-on que le Français n’a pas la tête métaphysique ? Mais on lui reproche aussi d’introduire la métaphysique partout, jusque dans ses actions les plus familières et dans ses discussions les plus futiles, tant il est vrai qu’il ne peut jamais se passer de ce contact avec l’absolu qui, seul, donne à son esprit l’apaisement et la sécurité. Seulement, il ne conçoit jamais cet absolu que comme devenant présent à sa conscience elle-même, à mesure qu’elle s’aiguise et qu’elle s’approfondit. La vie est pour lui un dialogue du moi