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nouvel Héraclite. Et le langage même dont il s’est servi nous invitait à le regarder comme tel. Mais les contraires sont voisins. Cet esprit si aigu et si maître de lui semble nous incliner vers l’indétermination et vers l’abandon : on peut penser que c’est une indétermination plus difficile que toutes les définitions, un abandon plus laborieux que tous les refus. Il nous demande de ne point laisser notre activité intérieure s’emprisonner dans des termes immobiles : l’objet, le concept, l’habitude, où elle viendrait se briser et mourir. Mais en nous pressant de les dépasser toujours, il nous oblige à retrouver sa source incorruptible et indivisée. Comme on ne rencontre l’immédiat qu’en triomphant de toutes les médiations et la spontanéité de la vie qu’en résistant à tous les obstacles qui en arrêtent le cours, on ne s’engage aussi dans le devenir que pour éviter d’être paralysé par l’immobile, on ne quitte l’espace pour la durée qu’afin d’obtenir une présence constante à la création de soi-même et du monde. Car ce qui compte ici, c’est beaucoup moins le flot mouvant du créé que l’élan