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barquer au plus vite. Les autres se tournaient vers la batterie d’Ouistreham, comme s’ils eussent voulu exciter leurs camarades à ne pas laisser leur entreprise inachevée. On devinait à leurs gestes, à leur air indécis, qu’il y avait dans leur conseil deux courants d’idées contraires. La compagnie qui avait marché sur le village de Colleville se croyait trahie et craignait une surprise ; les autres paraissaient décidés à tenter tous les hasards.

Cabieu retenait sa respiration, voyait et écoutait tout. Quand il fut convaincu que le parti des audacieux l’emportait, il coucha en joue l’officier qui s’était mis à la tête du détachement. En même temps, il s’écria d’une voix formidable :

— Qui vive ?

À ce mot, un grand trouble se fit dans les rangs des Anglais. Ils se pressèrent les uns contre les autres, formèrent le carré et regardèrent avec inquiétude dans les ténèbres.

— Voilà le moment de jouer ma comédie, se dit Cabieu.

Il tourna la tête en arrière, comme s’il eût adressé un commandement à une troupe de soldats.