Page:Lavalley - Légendes normandes, 1867.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ce n’est pas le moment de plaisanter. L’ennemi est à deux pas de nous.

— Je le sais. Écoute-moi, et fais ton profit de ce que je vais te dire. Ce soir, le capitaine de la frégate, où j’étais aux fers, m’a fait monter sur le pont. Plusieurs barques étaient déjà à la mer. On me promet la liberté si je consens à servir de guide aux troupes qu’on allait débarquer sur la côte.

— Tu as accepté ?

— Parbleu ! Sans cela, aurais-je le plaisir de te parler à cette heure ?… On débarque. Je suis placé sous la garde de deux grands habits rouges. Nous marchons sur Colleville. J’étais à la tête de la compagnie, pour servir d’éclaireur. Mon premier soin est de conduire les Anglais sur le bord d’une mare bourbeuse. Un de mes gardiens y tombe consciencieusement, sans en être prié. J’y pousse l’autre, et je me sauve à la faveur de la nuit, laissant le reste de la troupe en tête-à-tête avec les grenouilles du marécage. Ils n’ont pas osé me tirer des coups de fusil, dans la crainte de jeter l’alarme dans le pays… Et me voilà !

— Où allais-tu ?