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puissance que, sans préméditation aucune et comme par instinct, il était arrivé sur la route qui conduisait à la maison du marquis. Des massifs d’arbres verts la lui cachaient en partie, mais il en apercevait encore le toit, dont les ardoises brillaient comme un miroir au soleil. Une légère fumée montait en serpentant au-dessus de la cheminée, comme pour lui rappeler qu’il était temps de rentrer, afin de couvrir le feu et de ménager le bois de ses maîtres.

Le vieillard laissa tomber sa tête dans ses mains, et, pour la première fois depuis sa sortie de l’Hôtel-de-Ville, il pleura amèrement.

— Non ! dit-il en s’armant d’une résolution soudaine, non ! je ne rentrerai pas dans cette maison, d’où je suis sorti avec des paroles d’espérance et où je ne rapporterais que des nouvelles de mort !

Et se frappant le front, comme pour y réveiller la mémoire :

— Monsieur le marquis n’a-t-il pas dit qu’il lui restait encore quarante écus ?… Oui ! je me le rappelle maintenant… Eh bien ! avec cela ils peuvent se sauver tous les trois… et qui sait ce que prépare l’avenir ? Si je retournais à la maison, M. le marquis voudrait me garder auprès de