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faire penser qu’il avait le désir d’y entrer. Et telle était bien son intention ; car le petit cortége se mit en marche, franchit le pont jeté sur le fossé et s’avança dans la cour.

Maîtresse Gilles n’était pas préparée à cet événement. Sa fermeté l’abandonna. On la vit même trembler et jeter autour d’elle un regard désespéré, comme si elle eût appelé quelqu’un à son aide. Ce n’était plus l’arrogante fermière qui faisait retentir la maison de sa voix formidable ; ce n’était plus maîtresse Gilles campée fièrement, les deux poings sur les hanches, et gourmandant sans pitié les domestiques. Quant au fermier, il n’était pas étonnant que ses deux genoux se donnassent de fréquents et involontaires baisers. Le pauvre homme tremblait ; la peur lui fit lâcher les deux chapons, qui s’enfuirent, et l’agneau, qui s’en alla promptement rejoindre sa mère.

Cependant le roi approchait toujours. Il n’était plus qu’à vingt pas du groupe formé par les deux fermiers et leurs domestiques.

— Et mes mains qui sont encore toutes noires de charbon ! s’écria douloureusement maîtresse Gilles. Voyons, Jean, dit-elle à son mari, tu peux bien recevoir le roi pendant que je vais aller les nettoyer ?